1re lecture : Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24
Psaume 29 Évangile : Marc 5, 21-43 |
1. La première lecture (livre de la Sagesse, chapitre 1) commence ainsi : Dieu n’a pas fait la mort. La mort qui fait disparaître, qui efface ce qui était vivant. La mort
qui laisse un vide éternel. La mort qui fait mourir ce qui vivait, mourir ce qui résonnait, mourir ce qui donnait de la vie. La mort qui laisse derrière elle tant de larmes et de peine.
Dieu n’a pas fait la mort : 6 mots pour dire le cœur même, l’essentiel de la bible. 6 syllabes qui résument la bible : Dieu n’a pas fait la mort. Il n’a pas fait la mort puisqu’au contraire il se donne à connaître au début des temps et du monde en faisant jaillir la vie de ce qui semblait le néant : et ce fut à partir du chaos originel la création de la lumière, mais aussi de la terre, du ciel, des plantes, des animaux… de l’homme. Non, il n’a pas fait la mort.
2. Et quand la mort semblait tout de même surgir, en condamnant les fils d’hébreux à une honteuse servitude vis-à-vis de empires voisins autoritaires et dominateurs, il a dépêché des hommes et des femmes pour sauver ses enfants : ce fut Joseph le patriarche qui délivre le peuple de la famine en Israël, ce fut la fille de Pharaon qui délivre Moïse des eaux du Nil, c’est encore Moïse lui-même qui fait passer à pied sec la mer rouge.
Quand à Babylone, exténués, à bout de force et de courage, au bord du désespoir, ils voient la mort du peuple arriver car il n’y a plus ni prince, ni Temple, plus de pays puisqu’ils sont loin de chez eux exilés, il dépêche ses serviteurs les prophètes comme Jérémie, Ezékiel, des sages et des prophètes pour les relever, et leur annoncer le retour dans leur terre. Dieu n’a pas fait la mort : toute la bible est là pour crier le contraire : c’est quand le peuple croit qu’il touche aux portes de la mort que Dieu manifeste sa miséricorde pour délivrer son peuple.
3. Ce serait donc un grave contresens de croire que Dieu a fait la mort ; ce serait contre-nature, car il est complètement, totalement, la Vie. Il est non seulement la Vie qui relève celui qui tombe, celui dont les forces faiblissent dangereusement, mais il est aussi la Vie éternelle. Et la première lecture dit avec raison que la puissance de la mort ne règne pas sur la terre même si elle « semble » régner, car les germes de vie semés par Dieu en cette terre sont bien plus puissants que les germes de mort semés par le Malin. Il faut là jouer un peu sur les mots : la puissance de la mort ne « règne » pas, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas présente, qu’elle ne fait pas les ravages qu’on connaît ; mais il faut absolument tenir qu’elle ne règne pas, c’est-à-dire que sa puissance est limitée car elle a trouvé en face d’elle une autre puissance bien plus forte, qui est celle de l’amour poussé à un point extrême, l’amour qui n’a aucune tache, l’amour divin.
4. Non, la puissance de la mort ne règne pas sur la terre, en reprenant les termes mêmes de la 1ère lecture. Elle fait certes sentir sa présence sur la terre, et le signe qu’elle est là peut nous déconcerter et nous décourager : quand un pays envahit froidement un autre pays en faisant des dégâts humains et économiques énormes. Quand des terroristes au prix d’une attaque soudaine et inattendue abattent froidement 1.400 innocents ; la puissance de la mort semble régner sur terre quand cette attaque terroriste provoque la mort de dizaines de milliers d’enfants et de jeunes dans les quartiers surpeuplés de Gaza. On pourrait encore allonger la liste en évoquant les émeutes populaires chez nous et dans le monde.
5. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle dit curieusement le livre de la Sagesse ; je serais plus précis : car l’amour est immortel. C’est assez clair : pourquoi Dieu est immortel, pourquoi Dieu, Père Fils et Esprit-Saint est de toujours à toujours ? Parce qu’il est Amour, totalement et parfaitement Amour. Un Amour de Don total, amour d’Humilité, Service. Que l’Amour soit immortel nous est démontré par Jésus : il est certes mort de mort physique et douloureuse sur la croix, mais il est ressuscité, c’est-à-dire que la mort ne l’a pas retenu en son pouvoir. Et la mort n’a pas pu le retenir en son pouvoir car la mort est impuissante contre l’Amour parfaitement incarné en Jésus. La mort ne peut rien contre l’Amour, elle ressemble complètement à des flèches qui viennent se briser piteusement sur un bouclier d’airain.
6. Cela, chers amis, devrait nous faire réfléchir : quand nous réalisons un acte d’amour vrai, sincère, humble et discret qui nous porte les uns vers les autres et particulièrement vers les plus fragiles, nous faisons un pas vers la vie, nous grandissons en vie, et nous faisons reculer la mort…
7. La petite fille de Jaïre se lève, elle est toute interdite, toute engourdie peut-être, encore somnolente de ce sommeil de la mort d’où Jésus vient de la tirer en lui saisissant la main. Mais par cet acte spectaculaire, avant même la résurrection de Lazare, il vient nous dire que c’est à la Vie que nous sommes appelés. Cette vie ne peut venir que de lui-même, nous ne pouvons pas la tirer de nos propres forces. Et c’est ce que nous venons dire, proclamer en venant samedi soir après samedi soir (dimanche après dimanche) à la messe. « Tu n’as pas fait la mort ». « Tu n’as pas fait la mort ». Amen.
P. Loïc Gicquel des Touches