1re lecture : 1er livre de Samuel 3, 3b-10.19
Psaume 39 Évangile : Jean 1, 35-42 |
1. Chers amis, je ne sais pas comment vous êtes, et dans quelle disposition d’esprit vous venez à la messe chaque dimanche, mais en ce qui me concerne, c’est celle d’une admiration sans
borne pour Celui qui nous convoque, qui nous appelle, qui nous offre sa Parole, puis son corps. C’est aussi une disposition d’esprit par laquelle j’accepte de me laisser surprendre par lui, par
son Esprit, car il est infiniment plus grand que moi, parce qu’il me connaît mieux que moi-même, et qu’il veut beaucoup pour moi, en particulier me hisser à une manière de vivre
évangélique que je suis incapable d’exercer par moi-même.
2. Dans les jours qui ont précédé, nous nous sommes prosternés devant l’enfant de la crèche. On ne se rassasie pas de cette chose inouïe : pour venir à nous, Dieu s’est fait enfant…
Dans cet enfant qui me sourit, qui tend les bras, c’est Dieu ! Comment ne pas l’aimer alors ce Dieu ? Comment avoir peur de lui ?
3. Dans l’évangile d’aujourd’hui, je le vois descendre au Jourdain pour se faire baptiser par Jean… Je le vois qui vient se mélanger aux autres hommes et femmes qui pourraient être vous, qui
pourraient être moi. Ce sont des gens de tous les jours, parmi eux des pécheurs, et peut-être pas des moindres, et pourtant il est là, avec eux, sans doute il connaît leur cœur, et pourtant il ne
dit rien, il ne les montre pas du doigt. Parmi tous ceux-ci, il se laisse gagner par le questionnement et l’affection d’André, puis de Pierre.
4. Notre agir chrétien, notre ADN de chrétien chers amis, s’identifie à cela : si nous sommes un tant soit peu réalistes, si nous nous connaissons bien, si nous acceptons de nous
regarder non pas du tout avec découragement, mais avec ce réalisme teinté fortement de cette espérance que nous a donné la foi de notre baptême, nous constatons que nous sommes une foule de bras
cassés, marqués ici et là par nos dérobades, nos refus d’aimer en vérité ; et cependant nous nous savons aimés du Seigneur, sauvés, aimés tels que nous sommes, avec toutes ces défaillances
passées, présentes et à venir.
5. Nous venons donc au Seigneur, particulièrement le dimanche matin avec une absolue humilité, j’insiste là-dessus ! Si nous venons à la messe, ce n’est pas du tout parce que
nous serions les meilleurs de la classe, que nous nous considérerions au-dessus du lot comme le pharisien de la parabole de saint Luc qui dit : je ne suis pas comme ce publicain, je jeûne
deux fois la semaine, je paie la dîme, je suis vraiment un bon juif…. Mais si nous venons à la messe, c’est parce que nous avons un absolu besoin de la miséricorde du Seigneur que nous
venons recevoir à chaque eucharistie. Considérons cela avec gravité chers amis, cela peut nous arriver demain ou au cours de cette année : le jour où nous mourrons, et où nous nous
retrouverons face au Seigneur, combien nous serons soulagés qu’il ne fasse pas le compte de toutes nos infidélités, lâchetés, compromissions… Nous lui demandons cela ; alors
surtout dans une belle logique, ne faisons pas à d’autres ce que nous n’aimerions pas que le Seigneur fasse pour nous. Nous lui dirons avec une immense gratitude : « Seigneur, tu as été
tellement bienveillant à mon égard… »
6. Toute cette longue introduction pour vous parler de la fameuse déclaration romaine sur les bénédictions. Je reconnais avec d’autres que des termes sont mal choisis, qu’elle a été écrite
trop vite sans doute, et sans concertation nécessaire avec les différentes conférences des évêques des différents continents. Peut-être y avait-il une certaine urgence, je ne sais pas trop, mais
elle a déclenché les polémiques nombreuses au sein du monde catholique que vous connaissez. Mais cette déclaration, toute imprudente qu’elle soit, contient cette vérité incontournable,
essentielle, vitale : tout homme, toute femme a un besoin vital, absolu, capital de l’expression de la miséricorde de Dieu, de son pardon, de son amour. Et cette miséricorde,
que nous le voulions ou non, passe par la bénédiction qu’un prêtre, un diacre ou même un baptisé dans certaines circonstances peut donner. Dans le peuple de Dieu, nul n’est rejeté,
pas même le plus grand pécheur, voilà ce que cela signifie. Ce serait une hérésie terrible que de penser qu’un pécheur, au sein même de son péché, ou de la situation ambiguë qu’il traverse, ne
puisse pas recevoir de l’Église la parole de bénédiction qui consiste à dire : Tu restes aimé de Dieu. Jésus est ton Sauveur. Il est ton pardon ; il est ta
miséricorde…
7. Dans le document cité, j’aime beaucoup le titre du paragraphe 4 : L’Église est le sacrement de l’amour infini de Dieu. Mais s’il n’y avait pas l’Église qui annonce à temps et à
contretemps cette affirmation aussi essentielle, que deviendrait-on ? Je suis pécheur, je me débats dans mon péché, dans une situation que je n’ai pas toujours choisie (je pense en
particulier aux divorcés remariés, mais aussi aux homosexuels), mais je sais qu’il y en a au moins un qui ne m’enfonce pas, qui ne me juge pas… : c’est le Seigneur lui-même. Et la
bénédiction demandée et reçue exprime cela : je ne bénis pas la situation dans laquelle tu vis, mais je bénis la personne aimée du Seigneur que tu es et que tu restes surtout si tu vis une
situation d’exclusion. La personne bénie et aimée du Seigneur parce que même dans la situation où tu es et que l’Église ne bénit pas, tu essayes tant bien que mal de vivre les préceptes de
l’Évangile que Jésus nous exhorte à suivre, tout ensemble l’amour de Dieu et l’amour du frère.
8. Nous avons tous sans doute des paroles d’évangile qui sont nos boussoles sur nos mers agitées, nos étoiles dans les obscurités que nous traversons ; une de ces paroles pour moi est celle-ci, et nous l’avons entendue dans l’évangile d’hier samedi, elle est de Jésus : Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.
Les pécheurs, chers amis, c’est nous tous, bienheureux pécheurs sauvés par le sang du Christ qui a coulé sur la croix. Pas seulement les homosexuels ou les divorcés remariés ! Sainte
Thérèse, nous dit-elle dans son manuscrit, a aimé l’assassin Pranzini comme son fils, elle a prié comme si c’était son enfant. Bénissons le Père de Jésus qui nous accueille ainsi, sans faire de
distinction entre les uns et les autres, et comme ses enfants bien-aimés. Amen !
P. Loïc Gicquel des Touches