1re lecture : Ézéchiel 34, 11-12.15-17
Psaume 22 Évangile : Matthieu 25, 31-46 |
1. Force de l’évangile, étonnement qu’il peut susciter, et comme il peut nous stimuler ! Car au soir de notre vie, nous ne serons pas jugés sur le nombre de fois où nous
serons allés à la messe le dimanche, au nombre de fois où nous nous serons confessés, où nous aurons « fait nos pâques », dit le chapelet, allé à Lourdes (etc.). C’est à la
charité, sur l’amour dont nous aurons témoigné que nous serons jugés : j’avais faim, vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, vous m’avez donné à boire ; j’étais un
étranger, vous m’avez accueilli… Pas donné à manger ou à boire à mes enfants, à mes parents, ça c’est trop facile ; donné à manger et à boire à moi qui étais pauvre, sans domicile, sans
aspect agréable à voir… C’est quand vous l’avez fait sans vous poser de questions, de façon naturelle, sans ostentation, sans vouloir absolument vous montrer supérieur aux autres. Béni soit celui
qui donne sans se poser de questions superflues : combien ça me coûte, est-ce que ça va me rapporter…
2. Cela ne veut pas dire bien sûr qu’il faut délaisser la relation à Dieu, que celle-ci ne serait pas importante ! Mais cela veut dire que c’est à la mesure de mon amour pour mes frères
que l’on pourra dire que j’aime Dieu. Mon amour pour mes frères me conduit à Dieu. Aimer mes frères, c’est aimer Dieu. La question se posait déjà à l’époque de saint Jean qui disait :
Celui qui dit « j’aime Dieu » et qui n’aime pas ses frères est un menteur.
3. L’évangile de ce jour nous le dit clairement : c’est sur nos actes de charité, d’amour quotidien vis-à-vis de nos frères que nous serons jugés ; la relation à Dieu dans la
prière doit aller d’elle-même ; dans la croix, il y a la poutre verticale ; mais ne pas oublier la poutre horizontale. Car en aimant mon frère, c’est Jésus que j’aime / qui s’incarne
dans ce pauvre, ce petit qui a faim, qui a soif, qui est un étranger. Aimer non pas en discours, mais en actes.
4. Aujourd’hui, nous sommes donc invités à ne pas avoir de relation à Dieu complètement désincarnée ; la prière que j’ai, c’est la prière qui me ramène à l’humilité, qui m’empêche de me
voir mieux que je suis. La vraie prière est celle qui me fait reconnaître le Seigneur dans celui qui a faim, qui a soif, qui est l’étranger ou le prisonnier… La vraie prière est celle qui me fait
reconnaître que je suis encore loin du but à atteindre.
5. Pas de discours, des actes, je pense que Bernard se reconnaît bien dans cet évangile. Car ainsi a-t-il été et il est encore ! dans les multiples engagements qui furent les
siens, en mission ouvrière, en ACO, au CCFD, en aumônerie d’hôpital, d’EHPAD ou de CPO. Il a entendu ces paroles de l’Évangile que nous venons de commenter avec sa discrétion habituelle, mais
celle-ci cachait aussi un zèle ardent à rassembler, unir, envoyer en mission. Tout à l’heure nous le redirons dans la prière universelle.
6. Car la première tâche du pasteur est bien décrite dans la 1ère lecture : La brebis perdue je la chercherai ; celle qui est blessée, je la panserai ; celle qui
est malade, je lui rendrai ses forces… Le pasteur est animé du même zèle que Jésus, sa propre vie est secondaire par rapport à la mission qu’il a reçue de rassembler les brebis perdues
ou de guérir celles qui sont malades, en leur montrant le chemin du bercail.
7. Le souci d’autrui, et particulièrement de celui ou celle qui est négligé, oublié, de celui ou celle qu’on ne voit pas, est la condition même pour que le rassemblement de nos dimanches
soit viable. Le règne de Dieu ne se réalise pas dans l’individualisme, dans la juxtaposition de personnes aussi « pieuses » soient-elles, mais dans leur communion. La préoccupation du
disciple de Jésus n’est pas de « faire son salut », ni même de constituer une communauté chaleureuse à l’écart du « monde », mais d’entretenir une relation vitale avec tous ceux qui
souffrent. « Le Christ-Roi n’a pas de sujets mais des frères ». Ce sont eux qui comptent. Ce roi ne demande pas d’être honoré, encensé, vénéré. S’il demande d’être servi, c’est
de l’être dans ses frères les « plus petits », comme lui-même s’est mis au service de tous.
8. Le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort (1 Cor 15, 2ème lecture). Nous fêtons aujourd’hui un « nonagénaire » ; nous pouvons penser qu’il est
plus près de son grand passage que la très grande majorité d’entre nous ; et pourtant, grâce à la foi qui est la nôtre, nous n’avons pas à avoir peur de ce passage. Car Jésus par le don de
sa vie a fait un pont entre la vie terrestre et le ciel. Si la mort n’est pas encore anéantie, elle est en passe de l’être, même s’il faut des dizaines d’années pour cela. Car
Jésus, par sa vie donnée, sa mort et sa résurrection, a vaincu l’ennemi qui est la mort éternelle. Oui, cet « ennemi » sera anéanti, nous en avons la certitude et dès lors, nous
vivons dans l’espérance. Amen !
P. Loïc Gicquel des Touches