1re lecture : Isaïe 45, 1.4-6a
Psaume 95 Évangile : Matthieu 22, 15-21 |
Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu… On rêverait d’une homélie plus facile à faire un dimanche, et cependant il est important qu’on puisse réfléchir à cette
fameuse formule. Je me risque très humblement devant vous à cet exercice…
1. A sa lecture, la première chose que j’ai envie de noter, c’est le fait, très important, que Jésus affirme ainsi que dans notre agir, dans notre vie sociale, professionnelle, politique,
économique, tout ne dépend pas de Dieu ; il y a une autonomie importante à relever. Cette formule s’inscrit totalement contre toutes les « théocraties », ces régimes
d’hier et d’aujourd’hui malheureusement, où lois civiles et religieuses se confondent, où les responsables politiques prétendent tenir leur pouvoir de Dieu lui-même.
Non, il y a une véritable autonomie du politique et disant cela, Jésus fait de nous des gens qui doivent être responsables : responsables de nos actes, responsables de nos décisions en nous appuyant sur notre conscience et notre intelligence, et non sur une prétendue volonté qui viendrait d’en-haut, et en ce nom-là, qui devrait s’imposer, avec le grand risque de tomber dans un autoritarisme mortifère.
Car Dieu ne veut pas capter tous les pouvoirs, ce n’est pas dans sa nature, sa nature qui vient de ce qu’il est en profondeur, est vraiment de faire confiance, de dire à celui qui a les capacités d’avoir des responsabilités : Lève-toi, vas-y, avec les talents que le Seigneur t’a donné…
2. C’est à César, c’est-à-dire aux représentants démocratiquement (si possible !!) élus ou choisis que revient l’exercice de la saine gestion d’une cité, d’une ville ou d’un pays. Ils
ont reçu mission pour cela ; croyants ou incroyants, ils ont cette belle mission de gouverner la maison commune pour plus de paix, de justice, de bien-être.
César (traduisez : les élus, le gouvernement…) a une responsabilité énorme et la formule que nous méditons ce matin appuie cela, car en Jésus, Dieu cautionne cette autonomie, ce pouvoir… ; d’une certaine façon, c’est aussi sous le regard de ce Dieu aimant les hommes que César administre une ville, une région, un pays…
3. Et à Dieu ce qui est à Dieu…
Autonomie des pouvoirs donc. La théocratie bannie… Mais, nous dit Jésus par cette maxime si elliptique, l’exercice du pouvoir ne peut se faire sans mettre au centre ce qui est la préoccupation même de Dieu : la dignité de l’homme. Qu’est-ce qui est à Dieu ? L’homme lui-même, l’homme et la création pour lesquels il a donné ni plus ni moins son Fils, son Fils qui est bafoué ou méprisé quand l’homme est bafoué ou méprisé. Cela, on ne pourra pas lui retirer.
4. C’est ainsi sans doute qu’on ne peut pas séparer les deux moitiés de la formule ; autonomes certes, mais pas de séparation. Tout l’humain concerne Dieu : le politique,
l’économique, le social, car en tout cela il en va de la dignité de l’homme, si celle-ci est mise en valeur, ou bien si elle risque d’être cachée, maltraitée ou bafouée… Les quolibets qu’on
entend encore souvent contre l’église, le pape, les évêques, quand ils donnent régulièrement leur avis sur tel fait de société, tel choix politique ou économique, leur demandant de retourner dans
leurs sacristies et d’y rester, sont vraiment déplacés, pire : manifestent une méconnaissance de ce qu’est la foi chrétienne : comme si être croyant ne consistait qu’à aller à la messe
le dimanche et ne concernait pas toute la vie dans son ensemble, dans mon agir social, familial, professionnel… S’il en était ainsi, pauvre de nous… ! Mais non ! Notre foi illumine et
donne du relief à toute notre vie, la surplombe, lui donne espérance et met de l’amour dans toute notre vie, et pas seulement quand nous nous retrouvons à la messe du dimanche.
5. Il n’y a donc pas, d’un côté le monde de César, disons de la puissance publique, de l’économie, de ma vie ordinaire avec ses compromissions, et de l’autre le monde de Dieu, de ma vie
religieuse et spirituelle. Il n’y a rien dont Dieu se lave les mains et qui pourrait se passer de la loi de l’évangile. Les questions les plus profanes, l’impôt de César par exemple, doivent être
traitées avec justice, et en cela elles concernent l’évangile. Jésus ne s’en désintéresse pas. Le pape et les évêques ne s’en lavent pas les mains.
6. La foi ne donne donc pas de règles pour résoudre les questions techniques, scientifiques, politiques, sinon qu’elle exige la charité en toute chose. Étonnons-nous une fois de plus
du Dieu de l’Évangile. Il ne fait pas ombrage aux puissances du monde. Il veut leur salut, comme de toute la création. Et il compte ardemment sur elles parce qu’il les prend au sérieux pour
conduire à la paix et à la justice. Amen !
P. Loïc Gicquel des Touches