1re lecture : Ézéchiel 33, 79 |
1. Au moment de commenter le premier verset de cet évangile (v15 si ton frère a commis un péché, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton
frère), toutes les sirènes d’alarme doivent se déclencher dans le cœur du croyant. Car la facilité pourrait me faire penser : « Jésus lui-même me commande d’aller faire des
reproches à mon frère sur sa conduite, alors allons-y ! ». Mais attention, on ne peut pas y aller n’importe comment !
2. On appelle cela curieusement la « correction fraternelle ». Les deux mots semblent s’opposer l’un à l’autre : on parle de « correction »…, oui mais « fraternelle ». « Fraternelle », cela veut dire empathie et douceur, est-ce que ça peut aller avec de la correction, qui induit forcément un manque de douceur, et même de la violence ?
3. Il faut prendre le verset mot à mot.
Si ton frère vient à pécher (contre toi). Il s’agit de « ton frère », ce mot revient à la fin du verset : s’il t’écoute, tu auras gagné ton frère.
Conséquence : surtout, ne va pas le voir si tu ne le considères pas comme ton frère, ta sœur. Cela veut dire que pour cette visite, si tu n’as pas de l’amour fraternel au fond de toi, la démarche est condamnée à l’échec. Aimer, c’est se mettre au service de l’autre, c’est faire preuve de miséricorde. Aimer, c’est ne pas avoir de rancune au fond de soi.
Mais aimer, mais la fraternité, c’est aussi débusquer le mal, celui qui nuit à ton frère, et qui risque de nuire aussi à la communauté dont il faut préserver l’unité, la communion, sous menace d’éclatement.
4. Il faut donc aller voir celui qui est ton frère. Tu ne peux le laisser s’enferrer, s’enliser, et risquer d’enliser d’autres personnes avec lui. Il se fait mal, il risque de faire mal à d’autres.
5. Pas n’importe comment : va le voir seul à seul. Seul à seul, parce que si tu es accompagné, la honte de l’étalage de sa faute devant d’autres risquera d’être plus forte que la révélation de sa faute ainsi que le désir de s’amender, la honte l’emportera sur le repentir vrai et sincère. Il sera blessé, et le souvenir de la blessure le rendra plus amer encore que le souvenir de sa faute. Va le voir seul à seul car dans le dialogue secret qui s’instaurera à deux, il pourra davantage s’expliquer et demander pardon sincèrement.
6. Va le voir seul à seul, mais surtout attends d’y aller si tu es dans la colère ; n’y va pas si tu es dans le jugement ou les reproches que tu n’arrives pas à taire dans ton cœur.
Et surtout rappelle-toi l'enseignement de Jésus sur la paille et la poutre. Peux-tu enlever la paille dans l’œil de ton frère alors qu'il risque fort d'y avoir une poutre dans ton œil !?
Mais ici, nous allons vers notre frère, notre sœur, au nom de Jésus .C'est en son nom que nous faisons cela. Il ne s'agit pas de se mettre au-dessus de cette personne. Mais nous agissons en ayant conscience que nous avons tout autant besoin nous aussi d'être repris le moment venu.
Et en demandant la conversion chez elle, je ne peux la demander que si moi-même je suis en chemin de conversion. Et ceci est très exigeant. Nous n’aurons de véritable humilité que si nous acceptons nous-mêmes d’être corrigé, amendé…
7. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère
S’il t’écoute, ce n’est pas toi qui auras « gagné » quoi que ce soit, une récompense, une félicitation particulière. Tu auras gagné ton frère. Et « gagner un frère », une sœur, c’est gagner le monde, c’est gagner ton salut, car tu auras sauvé ton frère. Gagner un frère, c’est gagner en communion, en charité, en espérance. Gagner un frère, c’est te considérer toi-même en-dessous, car le plus important, ce n’est pas « ta » victoire, mais ce que cela a permis : plus de paix, plus d’amour dans la communauté…
8. S’il t’écoute… Mais l’écoute ne doit pas venir seulement de l’autre, elle doit venir aussi de toi. Dans l’analyse de la situation : comment en est-il venu là ? Qu’est-ce qui a pu le faire ainsi glisser dans ce mal, dans ce péché ?
L’écoute doit être aussi envers toi : me regarder moi-même, suis-je prêt à aller le voir, la voir ? L’écoute de la Parole, de l’Esprit-Saint. L’écoute qui doit passer par la prière.
Demandons au Seigneur d’être guetteur pour le bien de nos frères, pour l’amour de nos frères, pour les faire grandir et non pour les juger ou les rabaisser. Nous avons tous et chacun, vous, moi, du chemin à faire et la capacité du discernement et du pardon à demander au Seigneur. Amen
P. Loïc Gicquel des Touches