1re lecture : Isaïe 7, 10-16 Psaume 23 2e lecture : Romains 1, 1-7 Évangile : Matthieu 1, 18-24 |
1. Dans le cadre de ce qu’on appelle « l’histoire du salut », Pâques est bien sûr plus grand que Noël, car Pâques c’est vraiment la victoire sur la mort, c’est la vie qui triomphe, après quel combat !, et la vie qui triomphe définitivement sur la mort, même s’il est vrai qu’il faut avoir des yeux et un cœur de croyant pour le voir et pour y croire.
2. Mais Noël, qu’est-ce que c’est beau ! Mettons de côté ces appels répétés à acheter, à consommer, à manger, même s’il sera très important de nous retrouver dans deux jours en famille, et, s’il est possible au milieu de cette frénésie de consommation, considérons un instant ce que les textes bibliques nous invitent à regarder, à voir, à comprendre.
3. Pourquoi c’est beau Noël ? Pourquoi c’est « magique », de cette magie qui fait qu’année après année, notre cœur est ébloui, sans discontinuer, sans esprit de répétition, sans être fatigué d’une répétition qui finirait par être fastidieuse ?
4. On ne peut pas citer toutes les raisons. Quant à moi, je suis particulièrement touché par le fait que Joseph et Marie qui ont été choisis pour être ni plus ni moins les parents du plus célèbre enfant du monde, il faudrait ajouter, du cosmos, de l’univers, d’un enfant à nul autre pareil, unique et incomparable à la fois, ces deux personnes sont en même temps les plus simples du monde, tellement modestes et ordinaires qu’elles peuvent être prises comme modèles par tous les parents du monde entier. Vous vivez dans un appartement modeste, et vous avez peur de ne pas y arriver à la fin de l’année ? Mais Joseph, tout charpentier qu’il était, dans son modeste atelier, dans un tout petit village très modeste de Galilée, ne devait pas être sûr de trouver du travail à coup sûr. Certes, une ville romaine proche de Nazareth, que les archéologues israéliens sont toujours en train de fouiller, Sepphoris, devait fournir du travail. Mais l’on sait aussi que les Romains étaient durs en affaires. On n’imagine pas non plus Marie servie par des esclaves tout autour d’elle, mais plutôt allant au puits comme les autres femmes du village, et s’affairant aux soins du ménage et de la cuisine avec les moyens rudimentaires de l’époque, et la fatigue aussi, car Nazareth est construite sur une colline.
5. Bref, une histoire banale d’un futur papa et d’une future maman. Et pourtant, dans cette banalité et cette simplicité extrême, une histoire merveilleuse s’ébauche sous nos yeux. Dieu, ni plus ni moins, vient prendre chair en Marie, et Joseph en sera le père adoptif, tantôt admiratif certes, et tantôt interrogatif, et même dans l’incompréhension totale, comme on le voit dans l’évangile de ce jour. Dieu n’est pas là dans le côté extraordinaire de nos vies qui n’existe pratiquement jamais, mais il prend chair, il est présent vraiment dans le quotidien de nos vies. Quand nous travaillons, quand nous dormons, quand il nous semble faire des choses très insignifiantes.
6. Nous lisons saint Matthieu en cette année liturgique 2019 et bientôt 2020. Et cet évangéliste a une connivence particulière avec saint Joseph, c’est lui qui nous permet de mieux le connaître, alors que saint Luc est vraiment le porte-parole de la vierge Marie. Joseph a une attitude admirable alors qu’il découvre que Marie était enceinte, avant qu’ils aient habité ensemble, comme le dit sobrement le texte évangélique. Imaginez un peu le tsunami que cela a pu déclencher en Joseph… Dans un petit village, à une époque où encore aujourd’hui en Orient, cela est proprement inimaginable, d’avoir un enfant hors mariage… Au ciel, en allant voir saint Joseph, il pourra sans doute mieux nous dire par quel état il est passé, mais cela a dû être horrible pour lui à vivre, surtout que l’on peut penser légitimement qu’il devait être sincèrement épris de Marie.
Nous savons que l’ange intervient, et que tout rentre dans le calme.
7. Mais ma réflexion sur Joseph s’est étoffée quand j’ai relu la prophétie du prophète Isaïe, en l’appliquant, non pas à Jésus ce qui se fait habituellement, mais à Joseph, et elle m’a permis de mieux saisir l’enjeu de ce qui s’est passé. Voici cette prophétie, que nous connaissons bien car nous la reprenons au moment de la passion de Jésus : Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit (…) Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors. Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité…
Et l’oracle continue ainsi :
Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple...
8. Oui, Joseph a été vraiment le Serviteur de Dieu en cette occasion. Il aurait pu tellement se rebeller, crier sa douleur et sans doute sa colère et son incompréhension devant le Seigneur. Mais il est un personnage unique en la matière, en ne criant pas, en ne haussant pas le ton, en ne faisant pas entendre sa voix au-dehors, et même en ne brisant pas le roseau qui fléchit… Car en la matière, Marie, devant l’impossibilité d’expliquer à Joseph l’origine de sa grossesse, n’a-t-elle pas été elle aussi à un moment le roseau qui fléchit ? Le sol a dû sembler se dérober à ses pieds. Ça n’a pas dû être simple et elle a dû puiser dans son trésor de foi et de confiance…
9. Que Joseph soit un exemple pour nous, vraiment !! Exemple de pondération, d’apaisement, de pacification. Qu’il nous aide à ne pas nous emporter impulsivement, même quand nous aurions – apparemment – de bonnes raisons de le faire. Nous savons en particulier combien la colère est mauvaise conseillère. C’est vraiment une qualité à demander à saint Joseph : à chaque fois qu’elle semble tapie à notre porte, que nous sachions dominer notre irritation et notre colère, que nous n’y donnions pas prise. Ainsi nous serons vraiment le « serviteur » du Seigneur qui ne crie pas et ne hausse pas le ton.
Joseph, le Seigneur t’a appelé selon la justice ; il t’a saisi par la main, il a fait de toi l’alliance du peuple, béni sois-tu ! AMEN !
P. Loïc Gicquel des Touches