1re lecture : 2e livre de Samuel 5, 1-3 Psaume 121 2e lecture : Colossiens 1, 12-20 Évangile : Luc 23, 35-43 |
1. Disons-le simplement, elle est plutôt curieuse cette fête du « Christ, roi de l’univers »… Et alors que l’on célèbrera bientôt la naissance de l’Envoyé de Dieu qui se fait bébé, petit enfant fragile, l’Église met l’accent aujourd’hui sur Jésus couronné par son Père comme roi, roi de l’univers, roi de tout ce qui existe, au ciel, sur la terre, dans la mer, et cela fait ainsi penser au psaume 8 :
Tu l'établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses
pieds :
08 les troupeaux de bœufs et de brebis, et
même les bêtes sauvages,
09 les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
tout ce qui va son chemin dans les eaux, arrivant ainsi à une belle conclusion de
la part du psalmiste :
10 Ô Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par toute la terre
!
2. Cette Seigneurie, si on peut l’appeler ainsi, cette domination sur tous les éléments de la terre et du ciel, il l’a maintes fois déployée au cours de sa vie terrestre, à la stupéfaction de ses amis : ainsi quand il a marché sur les eaux, ces eaux primordiales, ces eaux dont maintes légendes juives racontaient qu’elles cachaient le Léviathan, le monstre mythologique à figure de serpent, qui évoquait ainsi le Tentateur prêt à tromper l’être humain ; mais aussi quand, se réveillant d’un sommeil mystérieux au fond de la barque de saint Pierre, levé, il menace le vent et la mer, et ceux-ci se calment soudain à sa seule parole ; et encore, quand au bout de son long jeûne de 40 jours au seuil de sa vie publique, saint Marc nous raconte qu’il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. Ce ne sont que quelques exemples, mais cela ne montre-t-il pas qu’il est roi, seigneur de l’univers, celui qui ainsi maîtrise la terre et le ciel, les animaux et la mer ?
3. Cette Seigneurie, cette souveraineté, ne s’étend-elle pas aussi sur le cosmos, sur la lune et le soleil, et toutes les étoiles du ciel ? Car la Parole de Dieu, dans des textes à la fois précis et très poétiques, nous affirme que Jésus était avec son Père dans la création du monde, et cela nous aimons l’écouter, car ces textes ne prétendent pas nous apprendre comment le monde – les galaxies et le Big Bang, la voie lactée et les étoiles, Jupiter et Uranus – comment le monde s’est fait, mais ces très beaux textes nous disent que tout cela a été fait rien que pour la beauté, et le mystère, rien que par générosité pure… En contemplant ainsi cette splendeur du ciel que l’on connaît mieux aujourd’hui par les télescopes spatiaux et les satellites qui nous renseignent sur la complexité de sa formation, mais aussi sur sa beauté, la Parole de Dieu est là pour nous inciter à nous tourner avec une folle admiration vers le Père qui a voulu tout cela, qui a créé tout cela, et vers celui dont il a voulu qu’il en soit le maître, le Seigneur, le roi, Jésus lui-même.
4. Reprenons ainsi cette très belle citation du livre des Proverbes (chapitre 8), dans l’Ancien Testament. Très vite, la tradition chrétienne y a vu Jésus, à l’œuvre avec son Père :
Avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde, quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes.
Jésus était aux côtés de son Père dans la création éternelle du monde, - il est toujours à ses côtés car en vérité cette création est dynamique, elle ne s’arrête jamais ; et le Père, qui ne retient jamais rien pour lui, - mais jamais rien, dans le même acte où il crée avec son Fils, lui redonne cette création, il fait de son Fils le Seigneur de cette création ; saint Paul, dans l’épitre aux Colossiens entendue tout à l’heure, le dit bien : Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. Comment ne nous jetterions-nous pas avec totale confiance dans les bras de celui qui a ainsi une telle solidité ?
5. Mais tout cela n’est pas fini ; car en réalité, l’Évangile va nous rappeler avec une brutalité certaine – Jésus est en croix et il va mourir – que cette autorité, loin de ce qui se passe à l’époque de Jésus et aujourd’hui encore, ne s’exerce pas envers les hommes avec brutalité ou violence, avec dédain ou mépris. Jésus, lui le maître et Seigneur, est alors sur la croix, aux côtés des parias et des malfaiteurs, aux côtés de ceux qui apparemment ont complètement raté leur vie ; il montre par là qu’il est venu non pas seulement pour une classe d’hommes honnêtes et besogneux, dont il pourra faire ses fidèles sujets, mais aussi pour eux, qui sont les marginaux de la société. Et sur la croix, il écoute avec patience, certainement en le plaignant de tout son cœur, le larron qui l’insulte ; et, chose extraordinaire, il déclare à celui qui le prie avec ferveur : Jésus souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume, qu’il le prendra, avec lui, dans son paradis.
Oui, Jésus mérite complètement ce titre de roi de l’univers ; tu es roi, Jésus, tu domines tout l’univers, tu prends soin de nous, et même quand nous croyons que tu n’es pas là, tu es à nos côtés ; mais ton pouvoir, ton autorité, tu l’exerces avec tant de générosité car tu veux tout nous donner ; sois béni car tu l’exerces avec tant de miséricorde, tu ne t’appesantis pas sur notre péché, mais comme le « bon » larron, tu veux nous faire accéder à ton Royaume. Amen !
P. Loïc Gicquel des Touches